Nous considérons
que dans une société civilisée, les traces que la mémoire a conservées sont anciennes et multiples.
Si les traces de son histoire sont anciennes, multiples et variées, cette société multiplie les accès au monde symbolique. ’Symbole’ signifie ’être jetés ensemble’ ; le symbolique c’est notre capacité à associer une image réelle à une image rêvée, capacité à imager la réalité ; sachant que le diabolique est le contraire du symbolique.
Si les accès au monde symbolique sont multipliés, cette société va produire des récits, se nourrir de récits (chants, poésies, danses, mythes), multiplier les associations et s’ouvrir au monde, à l’altérité.
Qui peut s’ouvrir au monde peut s’inventer, devenir fécond et créer. Celles et ceux qui entrent en création échappent aux logiques de subordination, refusent les formes élémentaires de la servitude.
Pourquoi parlons-nous de symboles, d’altérité, de récits imaginaires et de création ? Parce que dans notre pays, une forme très archaïque de domination, de bêtise et de hantise pourraient prendre le pouvoir. Nous parlons d’un parti politique inspiré des conservatismes de l’aristocratie et des fascismes européens, nationalistes et totalitaires qui prônent le séparatisme, exaltent la haine, la violence et les valeurs traditionnelles de la virilité. Avec ce qu’il faut d’imagination, de raison, de mémoire et de symboles, il serait très facile de discréditer ce parti néofasciste, de l’éliminer résolument parce qu’il ne respecte pas les règles du jeu républicain, détruit toute forme d’émancipation, de relation et de création. Ce parti n’a pas accès aux symboles et refuse l’altérité. Et pourtant, ce parti politique, cette aberration culturelle, sociale et politique, le Rassemblement national, est aux portes du pouvoir. Le pouvoir a en charge de défendre la société. Si ce parti gagne les prochaines élections législatives, la société, l’altérité, l’imagination, la création seront menacées.
Malgré le bon sens commun, la mémoire et le jugement, le récit du parti d’extrême droite fascine. Le fascisme fascine. Comme la sauvagerie, l’horreur, l’obscénité, le fascisme fascine. Fasciner signifie immobiliser ou maîtriser par la fixité du regard. Celles et ceux qui sont fascinés sont empêchés de voir les choses comme elles sont. L’accès aux symboles et à la mémoire sont devenus impossibles. On fait face à une image monstrueuse devant laquelle la réflexion est impossible. On reste pétrifié, réflexion et réflection sont prohibées. On refuse de voir l’horreur programmée qui se cache derrière la fascination. C’est un sentiment proche de la sidération où l’on subit l’influence néfaste des étoiles, des astres. L’idée du désastre est cachée derrière le fascisme. Il y a quelque chose de fascinant et de terrifiant dans cette élection législative. Tout est question de regard. De regard lucide et de vision. Que peut-on opposer à la fascination ? à la sidération ? Quel est le contraire de sidérer ? Le désir, bien sûr ! En latin, desiderare signifie regretter l’absence de quelqu’un ou de quelque chose. Le mot sidere renvoie à l’étoile). Dans la langue des augures ou des marins, constater l’absence d’un astre signifiait déception, regret, au contraire de considerare, constater sa présence et par extension, considérer signifie examiner attentivement. L’heure est venue de désirer et de considérer les choses avec la plus grande attention. Il s’agit d’élire, de choisir entre désir et fascination.
Les Latins avaient deux mots pour exprimer le choix : electio et eligo.
Le premier donne élection et le second élégance.
L’élection est aujourd’hui définie comme l’action d’élire, d’un choix fait par la voie des suffrages.
L’élégance, elle, signifie savoir choisir tant en termes d’apparence que de morale.
En ces jours de Juin et Juillet de l’an de grâce 2024 une partie de la population de France, de Navarre et de ses colonies doit faire un choix.
Sera-t-il d’élection ou sera-t-il d’élégance ?
Serons nous électeurs ou élégants ?
Passion vient du grec pathos, signifiant souffrance et désigne l’ensemble des pulsions instinctives, émotionnelles et primitives de l’être humain qui, lorsqu’elles sont suffisamment violentes, entravent sa capacité à réfléchir et à agir de manière raisonnée.
La colère est considérée par les philosophes comme une passion.
La peur aussi.
L’amour, la joie, le désir, le plaisir et l’audace de même.
Comme la colère et la peur, la haine, la tristesse, le dégoût.
Les passions s’opposent entre elles.
La passion et la raison peuvent coopérer.
L’humain est fait de passions et parfois de Raison
L’élection lui propose de choisir entre la colère et la peur.
L’élégance lui propose
de ne pas se limiter aux seules passions tristes,
de transformer la peur en audace
la colère en un calme déterminé
de se mettre en mouvement
d’utiliser toutes les possibilités à sa portée
pour éviter les préférences réductrices et les rassemblements asphyxiants
pour sortir du cercle infernal du marcheur qui tourne en rond sans cesse renaissant
pour pousser à l’élégance celles et ceux dont l’audace de circonstance reste électorale.